Je pars du principe que vous êtes une femme. Je ne vois pas ce que vous pourriez être d'autre, seule une femme peut comprendre aussi bien les besoins d'une autre femme! Si vous êtes un homme, pardonnez ma méprise. Bref...
Si je me permets de vous écrire aujourd'hui, c'est pour vous remercier. Oui, merci, Madame Always. Merci d'avoir sorti la Collection Soie, je crois que c'est exactement ce qui manquait à mon bonheur. En effet, vous serez ravie d'apprendre, madame, qu'en temps que femme, il me tient à coeur de faire honneur à mon faible sexe. Être une femme n'est pas donné à tout le monde, et c'est un devoir de me rendre digne de ma condition.
Oh et ce packaging, j'en suis émue aux larmes |
Pour cela, la nature, même si elle m'a doté d'un 90B et de grandes jambes, ne suffit pas. Comme disait Simone de Beauvoir, on ne nait pas femme, on le devient. Et moi, pour devenir femme, j'ai besoin d'être validée et approuvée, d'entrer sans que rien ne déborde de mon moëlleux carcan.
Par exemple, j'ai fait de la chasse aux poils un de mes passe-temps favoris. Qu'importe si ça me fait un mal de chien, que ça me coûte une fortune, et que j'aie des gênes méditerranéens, une femme, c'est imberbe, et c'est pas négociable. Comment être élégante une vraie Lady si les poils de mes mollets maillent mes bas?
A l'aube de mes 28 ans, j'ai cassé mon PEL pour m'acheter une crème anti-âge digne de ce nom (à base de semence de blobfish), avec laquelle je tartine généreusement mon visage matin et soir, pour la simple et bonne raison que le glamour ne peut pas sentir la moindre ride. Les rides, c'est pour les vieux, ce qui est vieux est moche, et ce qui est moche n'est pas féminin. J'ai très bien appris ma leçon.
J'ai également investi dans une gaine. Elle m'empêche de respirer et me file des coliques, mais c'est un faible prix à payer pour arborer un ventre aussi plat que l'encéphalogramme de Madame Thatcher. Un petit bourrelet? Mais vous n'y pensez pas enfin. Le bourrelet est le pire ennemi de la femme. Je dois donc le combattre, vaille que vaille, coûte que coûte.C'est d'ailleurs pour cette raison que jene me nourris plus que de fragments de feuilles de chou crues.
A ma routine beauté, qui inclut de nombreuses couches de fond de teint (pour avoir une carnation de nouveau né) et de mascara (pour avoir des yeux de biche), j'ai ajouté du savon noir. Je me lave la bouche avec dès que j'emploie un vocabulaire indigne de ma caste, comme "putain" "enculé" "foutre" "salope" "con" ou encore "merde", voire "bite". On m'a répété assez souvent que de jurer comme un poissonnier n'était pas très féminin. C'est donc indigne de moi. Alors chaque fois que je faute, je me lave la bouche au savon noir. Je vous dirais si c'est efficace.
Je suis assez fière de mon nouveau rire. Il est léger et cristallin, comme la rosée printanière. J'ai remballé mon rire de gorge, il était bien trop spontané. Aujourd'hui, je me mords l'intérieur de la bouche (ce qui a pour avantage de la faire paraitre plus pulpeuse), et ne ris que dans des circonstances très précises, comme les blagues de cul de mon chef de service par exemple, ou alors quand on me demande un avis intelligent sur la politique. J'ai aussi mis au point un sourire doux et sensuel pour quand un homme me tient la porte que j'aurais très bien pu ouvrir moi même, tire la chaise sur laquelle je peux m'assoir sans l'aide de personne, me complimente sur mon décolleté alors que j'attends le bus... Je souris de toute ma bouche, et j'incline un peu la tête. Ca a plein d'avantages: je souris beaucoup, et une femme se doit d'être souriante et belle et douce. Et en plus sourire, ça atténue les rides. J'ai tout à y gagner.
J'ai également revu ma garde robe. J'ai éradiqué tout ce qui était mou et confortable, et je l'ai remplacé par du glamour et du sexy. Du décolleté, du moulant, du transparent, du fendu, du lacé, du brillant. J'ai troqué le plat contre de l'aiguille, du compensé ou du plateau. Je me dois de ressembler à une princesse dans toutes les circonstances. Vous imaginez la catastrophe, si un regard tiers me croisait confortablement vêtue d'un jean et d'une paire de converse? Je n'ose y penser. Quelle honte, quel déshonneur.Vous vous rendez compte, si on commence à bousculer toutes nos certitudes? Une fille en jean? Mes repères seront tous chamboulés, l'ordre établit risque de s'écrouler et la société risque de s'effondrer dans les limbes. Du coup, moi aussi je fais mes courses en fourreau griffé et je tonds mon gazon en combi-micro-short qui brille.
Vous voyez madame Always, je suis très très au fait de l'absolu féminin, et je pense que je ne suis pas bien loin de la perfection et donc du sublime. Je n'ai qu'une faille. J'ai mes règles. Une fois par mois, je n'y coupe pas, mes menstrues déboulent. La nature m'en veut vraiment. Comment voulez vous être pleinement une femme si tous les mois mon vagin évacue trois ou quatre jours durant une matière sanguinolente et puante? Comment puis-je me respecter en tant que Reine si tous les mois, j'ai mal au ventre, je tâche mes culottes, et je n'ai envie que de confort? Du confort, mon Dieu, quelle horreur. Remiser mes robes compliquées et ma lingerie fine pour cause d'ovaires en feu et de pertes peu ragouttantes? Quel affront! C'est pour ça, que lors de cette ignominieuse semaine, je m'enferme dans un placard. Je reste quelques jours seule, dans le noir à réfléchir aux grandes fautes que j'ai pu commettre pour être punie en perdant tout ce sang. Je ne sors que pour me laver à la soude caustique. J'espère ainsi racheter tous mes crimes de lèse féminité.
C'est sur ces entrefaites que vous êtes arrivée, Madame Always, avec cette merveille:la collection soie. Ô joie! De la soie, pour la coller sur ma chatte alors qu'elle perd tant d'indignité! L'heure du grand pardon est arrivée! Et cette pub, quel bonheur, c'est moi, c'est moi tout craché! Moi qui fait mes mes courses en dandinant mes hanches graciles, qui tond le gazon en talons de créateurs, et qui organise des trainings de rires gracieux avec mes copines dans des salons de thé bio et sans sucre. Je peux continuer à faire tout ça même quand j'ai mes règles? Oh MERCI MERCI MERCI. Ma vie ne sera plus jamais la même. Maintenant, je pourrais avoir mes règles tout en niant les avoir, et continuer à être gracieuse, élégante et en tout point conforme à cette société patriarcale qui ne veut que mon bonheur même pendant mes périodes!
Vraiment Madame Always, je ne sais comment vous remercier. Je me demandais si vous renvoyer en guise d'offrandes toutes les couches achetées chez vous que j'ai pu user bien qu'elles soient bourrées de chlore et autres saletés synthétiques comme des polymères super absorbants, qui se révèleront probablement être cancérigènes. J'espère que vous apprécierez l'attention.
Gros bisou