Le réveil sonne toujours trop tôt. J'aimerai traîner encore quelques minutes, juste quelques minutes de plus au lit. Je me suis couchée tellement tard hier soir! Ce dossier est une véritable plaie. Il me hante jusque dans mon sommeil, c'est terrible. Vraiment, quelques minutes de plus, juste quelques minutes de plus. Mais les enfants ne l'entendent pas de cette oreille: la grande est déjà en train d'essayer de grimper dans notre lit, et le petit hurle comme si une attaque nucléaire était imminente.
Faire comme si je ne les entendais pas.
Mon homme se lève. Quelle perle celui-là. C'est vrai qu'en même temps, depuis qu'il est en congés parental, et qu'il s'occupe des enfants, ça m'enlève une sacré épine du pied.
Encore cinq petites minutes, qui ne me reposeront pas, tant je suis préoccupée par cette saleté de dossier et par les minutes qui s'égrainent, me rapprochant de l'heure fatidique de ce rendez vous avec mes clients.
La douche me délasse à peine. Mais avec un peu de maquillage, il n'y paraîtra plus. Je cherche ma chemise blanche. J'étais pourtant sûre de l'avoir posée là quelque part. Je demande à mon homme.
"Elle est dans la penderie. Je te l'ai repassée hier, j'ai pensé que tu voudrais la mettre aujourd'hui!" (une perle je vous dit)
Dans la cuisine, le café est prêt, le beurre fond sur les tartines grillées.
"Tiens, je t'ai préparé ta gamelle pour ce midi. Je t'ai mis le reste des tomates farcies, et un yaourt." Je n'en aurais pas besoin, mais je la prends quand même, je sens que ça lui fait plaisir.
Je lui demande quel sera son programme de la journée. La grande a rendez vous chez le dentiste, j'avais oublié. Ensuite, ils iront faire quelques courses, et un peu de shopping. Le petit dernier a tellement grandi ces derniers temps que ses vêtements ne lui vont plus.
Mon homme me demande si je peux lui laisser la Laguna pour la journée. ça m'emmerde un peu, je déteste conduire cette saleté de Clio. Mais il me dit que c'est bien plus pratique quand il s'agit de trimballer la poussette. Soit. Je vais être à la bourre. Le stress monte. Il faut que j'y aille si je veux pouvoir tout vérifier une dernière fois avant que les clients arrivent. La grande se met à pleurer, elle ne veut pas que je parte. C'est vraiment pas le moment. Un peu fermement, je lui fait remarquer. Les cris redoublent. Je dois y aller, vraiment. Mon homme me dit que je peux partir, qu'il peut gérer. Je l'embrasse sur le front. Il me dit qu'il m'aime, et me souhaite bonne chance.
Arrivée au bureau, mon assistant est déjà là. Il a même préparé le café, et il a mis ce jean qui lui fait un si joli petit cul. Il me sert une tasse, mais je le sens pas très à l'aise. Je lui demande ce qu'il a.
"C'est Jean-Christophe. Il a téléphoné juste avant que vous arriviez. Son fils est malade, il ne pourra pas venir ce matin. Il m'a dit qu'il essaierait d'être là cet après midi, mais il est pas sûr de pouvoir le faire garder."
Putain, ce secrétaire va finir par me rendre chèvre. Il a toujours un gosse malade, un maître absent, ou je ne sais quoi. Je sais pas pourquoi je l'ai recruté. Je sais pourtant très bien qu'il ne faut pas prendre de jeune père. Tu vas voir que dans moins de six mois il va m'annoncer qu'il va avoir un autre enfant. Ca va encore être une galère sans nom si un autre congé paternité me tombe sur les bras. Bon, c'est pas le moment d'y penser. Je lui remonterai les bretelles plus tard: c'est pas parce qu'on a des jours pour enfants malades qu'il faut en abuser. Comment je fais moi quand mes gosses ont de la fièvre? Je me démerde. Je ne vous vraiment pas pourquoi il n'en fait pas autant. Et après, il viendra se plaindre que sa carrière n'avance pas...
Il est bientôt midi. J'emmène les clients au restaurant. Je propose à Rémi, mon assistant de venir avec nous. Je l'aime bien, et j'ai l'impression que Madame Clavelle a la même opinion que moi sur la manière dont son slim épouse son postérieur. Autant mettre toutes les chances de mon côté, non? D'ailleurs, je pense que Rémi a bien conscience du pouvoir de son cul sur la gent féminine, et qu'il en profite. Qui l'en blâmerait? Certainement pas moi.
La fin de la journée passe comme dans un rêve. Probablement les deux trois verres de rouge et le dijo de ce midi. A un moment donné, mon homme m'appelle pour savoir ce que je veux manger ce soir. Il croit que j'ai que ça à penser ou quoi? Je lui répond que j'en sais rien, qu'il n'a qu'à préparer ce qu'il veut. Il me lâche aussi que la grande a été particulièrement insupportable, et qu'il aimerait que je la recadre un peu. Il m'emmerde. Déjà que je ne vois pas beaucoup mes gosses, s'il faut en plus que je fasse la police! Je lui fais comprendre que j'ai suffisamment de merdes à gérer comme ça au boulot, et que c'est son job de s'occuper des gosses.
Un peu plus tard, c'est Leatitia qui téléphone. Il y a une soirée au Pub Irlandais pas très loin de son bureau. Un petit groupe bien sympa y fait un boeuf. On pourrait aller y faire un tour après le boulot? J'hésite. Mon homme n'avait pas l'air très en forme tout à l'heure au téléphone. Mais après tout, j'ai vachement taffé ses derniers temps, je mérite bien une petite récompense, sans mon homme et les enfants. D'autant que ce pub, je le connais bien. Un véritable repaire à minets. J'appelle mon homme pour lui dire que je rentrerai tard ce soir, une histoire de réunion qui s'est décidée au dernier moment. Je le sens déçu. C'est pas grave, je me rattraperai en lui faisant un petit cadeau. Je sais qu'il est sensible aux petites attentions. Faudra juste que je pense à regarder quelle est sa taille de pulls.
J'arrive au pub. Les filles sont déjà là, et elles n'ont pas chômé. A leur table, il y a déjà deux jeunes éphèbes, visiblement rompus à l'art de se faire offrir des bières par des buissnewomen. Sur le moment, je trouve ça presque ridicule tellement c'est transparent, puis je me dis qu'après tout, ça fait partie du jeu. On est tous là pour la même chose, non? Je commande une bière, et en offre un au joli blond au bar qui j'en suis sûre, me jette des regards en coin depuis tout à l'heure. Je me rapproche de lui et lui effleure les fesses, histoire qu'il voie que j'ai bien reçu son message. A ma grande surprise, il devient hyper agressif, et me demande pour qui je me prend. Je le traite d'allumeur. Il me lance un regard plein de dédain. Quel merdeux. Je lui dis qu'il ne sait pas ce qu'il rate. Il me répond que si je ne me barre pas sur le champ, ce que je risque de ne pas rater, c'est une gifle. Quel con. J'abandonne, moitié parce que la barmaid aux bras comme des poteaux commence à me fixer de son oeil noir, moitié parce qu' à la table des filles, les jeunes hommes ont l'air bien moins farouches.
Il est plus de minuit quand j'arrive enfin à la maison. Je reste quelques minutes dans le garage. Je planque soigneusement le numéro du mec que j'ai réussi à lever dans mon portable pro. Je ne suis même pas sûre de l'appeller, il ne me plaisait pas tant que ça, et avait l'air bête à bouffer du foin. En même temps, vous me direz, pour ce qu'on a à faire, je leur demande pas de lire savoir lire Tolstoï dans le texte. Je pense juste que j'ai pas envie de revivre ce que j'ai vécu la dernière fois, quand mon homme a découvert que j'avais une aventure avec mon précédent secrétaire, et qu'on a été à deux doigts de divorcer.
Un coup d'oeil dans la chambre des gosses. Ils dorment profondément. Je sens une bouffée de culpabilité m'envahir. Si je passais à côté d'eux, et que je devenais une inconnue à leur yeux? Puis je me ravise: tout ce que je fais après tout, c'est pour eux.
Dans la chambre, mon homme me tourne le dos. Je me déshabille, lui fait une bise délicate sur la tempe, avant de m'allonger à ses côtés.
Je n'ai pas vu qu'il avait les yeux grands ouverts.
ça fait peur... mais c'est bien écrit...
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