mercredi 27 mars 2013

Anonyme



Hier, après quelques semaines de silence, j’ai écrit un article sur mon blog. Je ne suis pas (plus) de celles et ceux qui se forcent à écrire des articles quotidiennement ou hebdomadairement, comme si c’était un rituel immuable. Je grandis, et j’essaie, du moins sur mon blog, d’appliquer la sacro-sainte loi du « si ce que tu as à dire n’est pas plus important que le silence, alors tais toi ».  Et avant-hier soir, qu’on invective une femme en lui disant de retourner à ses casseroles parce que le sexe faible n’est pas digne de parler de football m’a hérissé les poils du dos. Pourtant j’adore autant cuisiner que ce que je déteste le football. Mais va comprendre, je n’arrive toujours pas à comprendre comment en 2013, on peut encore avoir ce type de raisonnement archaïque. Enfin, si, je pourrais éventuellement le comprendre s’il émanait d’un pauvre hère isolé et  sans éducation. Mais ce n’était pour le coup, pas le cas. Ce type de comportement et les rires gras qui l’ont accompagné m’ont frappé en plein cœur, et j’ai ressenti ce frisson caractéristique. Celui qui transforme la colère en mots. Alors j’ai écrit un article. C’est loin d’être le meilleur de tous ceux que j’ai pu accoucher, mais il a le mérite d’exister.

Je n’écris pas pour convaincre. J’écris d’abord pour me soulager. Mon clavier est mon exutoire. Je n’écris pas non plus pour être lue. Je le fais comme on passerait une brulure sous un jet d’eau froide. Ça fait du bien sur le coup, mais ça n’apporte aucune solution sur le fond. Et quand je vois des retours positifs, quand ce que j’écris est relayé par d’autres, que j’ai des réactions positives ou négatives, ça me remplit de bonheur, parce que ça me donne la sensation que j’ai pu mettre des mots sur ce que certains ressentent, ou que j’ai soulevé un problème digne d’être débattu. Toi qui n’écris peut être pas et qui me lis malgré tout, tu n’imagine même pas le bien que ça peut faire. 

Plus hier que les autres jours, je n’ai pas écrit pour convaincre. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est pour moi l’évidence même : l’homme et la femme sont égaux. La femme aux fourneaux, l’homme devant son match ? Qui peut encore décemment penser qu’il s’agit d’une norme autant sociale que biologique ? (à part Eric Zeimmour, mais je crois que là c’est carrément pathologique).

J’ai écris parce qu’il fallait que je digère cette agression. Et j’ai imaginé que c’étaient les couilles que je n’ai pas qui parleraient pour moi. Pourquoi ? Déjà, parce que je trouve que des couilles qui parlent c’est rigolo. Et aussi et surtout parce qu’on a fait des couilles le siège de la virilité, et de valeurs telles que le courage et la force. Exemple : une fille qui écrit un article sur le sexisme chez les geeks, c’est couillu. Une fille qui brave les interdits et qui fait quelque chose de valeureux peut ainsi se retrouver dotée d’un appareil génital masculin. Même si je m’entends régulièrement employer cette expression, je la trouve absurde. Peut être ai-je tort, mais pour moi, rien n’est affaire de sexe. Tout est affaire d’individus. Et c’est pour ça que j’ai fait parler une paire de couilles : parce qu’on leur confère un pouvoir qu’elles n’ont pas. 

Ce que j’ai tenté de leur faire dire, c’est que le chemin est encore long vers la prise de conscience. Que si certains esprits s’éveillent, il y en a un paquet à qui il faut donner un petit coup de main, et que cela peut se faire sans heurts, tout simplement parce qu’on a tous, sans exception aucune, à y gagner. Il me faut une paire de couilles qui parlent comme des poissonnières et un raisonnement par l’absurde pour faire ça. Parce que c’est en écrivant de la sorte que je prends le plus de plaisir. Je ne m’attendais pas spécialement à avoir de retours. Et si retours il y avait, je m’attendais à ce que ce soit consensuel, et que si virulence il devait y avoir elle viendrait de la forme plus que du fond. Le fond est évident, non ? Lutter contre le sexisme, les préjugés sexistes et le rôle social présumé de chacun des sexes est une évidence ?

Des fois, je suis tellement naïve, je me mettrai des gifles. A l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai eu qu’un seul commentaire. Mais pas des moindres.


ça pique un peu les yeux

Qu’il s’agisse ou non d’un troll, après tout on s’en moque. Qu’il soit anonyme est en revanche assez parlant. On n’a pas les couilles (sic) d’assumer ce genre de propos ? Voilà qui est surprenant. Quoi qu’il en soit, en lisant ce commentaire, j’ai craché mon café sur l’écran de mon ordinateur. D’après cette charmante personne, le patriarcat et tous ces effets pervers que d’autres analysent bien mieux que moi est tellement ancré qu’il ne vaut même plus la peine d’être combattu. Syndrome de Stockholm, ou ignorance assumée ? 

Tu te demande s’il est possible de changer quelque chose à cette mentalité. En te posant cette question, tu nies toute capacité humaine à la réflexion. Ce qui te rapproche, à mon humble avis, de la poule ou du mouton. Soumets-toi, brave bête.
Pourquoi ? Pour qui ? Pour quand ? L’égalité, le respect, la liberté… concepts qui sont probablement étrangers au mouton que tu es. Regarde tes livres d’histoire : ils sont peuplés de gens qui à tort ou a raison ont changé quelque chose à la mentalité qui leur était imposée.
Tu proposes en plus toi-même la solution : l’éducation. Pour toi, moi, nos enfants, nos parents même. C’est pas difficile. On ne te demande pas de porter une révolution sur tes frêles épaules. Mais si tu dis à ton fils que sa sœur est son égale et vice versa, et que tu leur explique qu’ils peuvent refuser un système de pensée qui est injuste en disant NON, tu auras fait énormément. Élever des enfants, c’est en faire des adultes dignes. Quant à tes proches, relever un comportement inadéquat, informer, discuter, soulever les problèmes et écouter: la voilà la clef. Là et uniquement là. C'est tout bête: la prochaine fois que tu entendras l'histoire d'une fille en jupe qui s'est fait agresser et que tu entendras "ouais mais faut dire qu'elle l'a cherché aussi", pose simplement la question: une jupe justifie-t-elle une agression? Une jupe est elle un appel à la violence?

Clamer haut et fort que les femmes sont des dévergondées ? Pourquoi continuer à véhiculer ce genre de vocables dégueulasses ? C’est quoi une femme dévergondée ? Une femme qui assume son corps, sa sexualité, ses choix ? Pourquoi accoler un qualificatif insultant à une femme libre ? Pourquoi valorise-t-on un homme qui a ce comportement? Ou est concrètement la différence? Et pourquoi, POURQUOI POURQUOI continuer à véhiculer ces monstruosités comme quoi une femme qui s’émancipe c’est un homme qu’on castre ? Pourquoi revenir à cette merde de répartition des tâches ménagères ? Combien de siècles faudra-t-il pour qu’il soit enfin universellement reconnu que la femme n’a pas de gènes « ménage »? Le pénis des hommes tombe-t-il quand il s’empare d’un balais ? Sont-ils empotés au point d’être incapables quoi qu’il arrive d’utiliser une machine à laver? Et moi qui n’arrive pas à utiliser un fer à repasser sans cramer mes fringues ou mes avants bras, dois-je remettre ma féminité en cause ? Doit-on en 2013 reprendre le débat à cet endroit là ? 

Les femmes sont généralement douces et prévenantes, tandis que les hommes rotent et programment. A la lecture de cette phrase, j’ai dû prendre rendez vous chez mon médecin. Je ne suis plus sûre de rien. Suis-je une femme ? Je ne suis pas douce. Je ne suis pas prévenante. Je rote. Je pète. Je jure comme un charretier. Je suis poilue. Je donne mon avis sur tout. Je ne me soumets jamais. Je crie beaucoup. Je ne sais pas programmer mais j’aimerai bien apprendre. Que dois-je en déduire ? Que je déshonore ma caste ? Que je suis un affront ? Une erreur ? Tu vas me rétorquer qu’il faudrait que je me taise ? Que je suis indigne ? Mais je pose la question : qui est le plus indigne ? Une femme qui ose enfin dire NON, qui décide de ne plus se laisser faire et qui va faire le choix de s’assumer, ou bien un homme qui va dire qu’il ne parle pas de foot à une femme, parce qu’elles n’y connaissent rien et qu’elles feraient mieux de retourner à ses fourneaux ? Quand est ce qu’on va enfin arrêter de juger les gens sur ce qu’ils ont entre leur jambes pour enfin s’arrêter à ce qu’ils ont dans la tête ? Quand est ce que je pourrais arrêter de me battre pour prouver que mon vagin n’autorise personne à porter des jugements sur la place et le comportement que je devrais avoir ? Qui est le plus « dévergondé » : moi, qui assume mon corps et ma sexualité mais qui ai l’outrecuidance de dire à mon chef que je n’accepte pas ses blagues sexistes, ou mon chef et son vocabulaire très en dessous de la ceinture, surtout avec ses collègues féminines et qui se gargarise de ses blagues humiliantes à grands renforts de rires gras ? 

Peut être est ce les conditions pour mettre bas. Que signifie cette phrase ? Mettre bas… sommes-nous des génisses ? Ce serait tellement bien si c’était le cas…on se poserait bien moins de questions. Mais non, nous sommes des humains, dotés d’un cerveau. Le même que celui des hommes. Et arrête moi si je me trombe, mais les conditions principales pour « mettre bas », c’est 1) être doté d’un appareil génital féminin (c’est utile) et 2) être fécondé par un appareil génital masculin. Ce qui veut dire que même moi, qui pète au lit, qui suis incapable de faire la vaisselle correctement, et qui suis gracieuse et douce comme un porc épic épileptique, JE PEUX METTRE BAS. Et en plus, tu sais quoi ? Je suis persuadée que je pourrais faire une mère pas trop dégueulasse, parce que je m’emploierai à faire de mes enfants des êtres dignes, respectueux et justes. 

L’égalité au sein d’une société n’a jamais existé. Voilà un point sur lequel nous sommes d’accord. Mais ça ne tient qu’à nous. Ouvrons les yeux, écoutons. Osons remettre nos principes en question, et peut être qu’enfin on pourra avancer sereinement et sans colère vers une société de moins en moins inégalitaire. De quoi a-t-on si peur?
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3 commentaires:

  1. Juste envie de te lire pour te le dire.

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  2. "Les femmes sont généralement douces et prévenantes, tandis que les hommes rotent et programment."

    J'ai 32 ans, le ventre rond qui annonce la venue prochaine de mon enfant me caractérise, il me semble, indubitablement du genre féminin.

    Je suis développeur informatique, oui, oui, je programme, j'adore ça, et il semblerait même que je sois douée.

    Depuis le début de ma grossesse, je me suis étonnée à faire (idéalement quand je suis seule, faut pas déconner non plus) involontairement des "rots de camionneurs".

    Suis-je donc un hybride homme/femme ? :)

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  3. Un hybride homme-femme, bonne idée ;)
    Perso je suis encore dans la catégorie des gosses ; j'ai beau avoir 22 ans, il y a des jours où je me demande encore si je tiens du garçon ou de la fille. Malgré mes envies de maternité j'ai beaucoup de traits "masculins".
    Et c'est sûrement ce statut d'enfant encore inaccompli dans sa quête de sexe défini qui fait qu'on ne me traite jamais de la façon dont tu le dis dans l'article.
    Je ne suis absolument pas féministe et je me plie à la société patriarcale de façon consentante dans la mesure où l'on ne me demande rien. Je refuse de m'abaisser à n'être qu'un objet décoratif et stupide, mais je ne veux pas renverser la société non plus, du moins pas dans une mesure disproportionnée.
    A la maison, mon père handicapé a toujours fait la lessive et le ménage alors que ma mère était au travail. Malgré ces bases là, j'ai envie de faire la lessive chez moi plus tard, j'aimerais bien être une fée du logis qui dorlote ses gosses et fait des tartes (ceci dit j'ai du progrès à faire : je sais pas allumer une machine à laver, je rate presque tous mes gâteaux, et je suis loin d'être mère.) J'ai la chance d'avoir un petit ami qui ne me laisserait pas faire seule toutes les tâches ménagères et qui ne regarde pas de sport à la télé ; bien qu'il boive de la bière et passe pas mal de temps avec ses potes, il est loin des clichés masculins qui nous débectent tant.
    J'espère être préservée longtemps des remarques machistes ; à partir du moment où on me dira de faire le linge ou la vaisselle alors qu'on se prélasse entre garçons à dire que de la merde, il est clair que je ne ferai plus ni le linge ni la vaisselle. Ces choses que je suis encline à faire de mon propre gré, si elles me sont imposées, d'autant plus si c'est de façon grossière, je m'en détacherai complètement et irai jusqu'à les détester.
    Les hommes, les mâles, les "vrais", ils peuvent bien aller se faire foutre.

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