mercredi 21 novembre 2012

Les liens sacrés.

Dans la série je donne mon avis même quand on ne me le demande pas, et pour continuer à apporter de l'eau au moulin du débat de société le plus important depuis au moins 25 siècles (quand on voit les passions de haine qu'il déchaine), parlons aujourd'hui du mariage.

Pas du mariage pour tous, non. Du mariage pour celui qui veut se marier.

Parce que oui, le mariage est un choix. Enfin, encore faut il l'avoir ce choix. 

Alors se marier, pourquoi faire? 

Si j'en crois mon journal intime de quand j'étais en cinquième que mon visage était ravagé par l'acné et mes dents bardées de métal orthodontique, et que je rêvais de devenir créatrice de longues robes blanches, l'amour. 
Il faut remettre les choses dans leur contexte. A cette époque, ou mon faciès se rapprochait plus du crapaud que de la jeune fille en fleur, je ne rêvais que d'une chose. A mon fier prince, qui m'aimerait enfin telle que je suis, qui pèterait la gueule à tout ces connards qui me jetaient des cailloux à la récré et qui me conduirait jusqu'à l'autel pour fourrer sa langue dans ma bouche avant de me jurer fidélité et amour éternel. A cette époque maudite ou je n'avais pas encore remisé mes Barbie à la seule place qu'elles méritent (le barbecue puis la poubelle), le mariage n'était qu'un évènement. Une parenthèse enchantée, où drapée dans ma robe de satin blanc sertie de perlouses nacrées, tout le monde n'aurait d'yeux que pour moi. Même Dieu, parce qu'il était évident que je me marierai à l'église. D'ailleurs je ne voyais pas l'intérêt de se marier à la mairie, cet endroit chiant où on demande des extraits d'actes de naissance. Je me rêvais en marche nuptiale, en enfants de cœurs joufflus jetant des pétales de roses blanches et en larmes d'émotion. 

Plus tard, j'ai rajouté une ligne à mon mariage. Celui des bébés. Parce que ce qu'il y a de merveilleux avec un mariage princier comme le mien, ce sont les galoches devant les prêtres émus puis les bébés. J'en voulais 24, mais pour ma défense, je ne savais pas encore ce que c'était qu'un bouchon muqueux. 

Encore un peu plus tard, j'ai fait part de mes ambitions matrimoniales à ma mère. Fallait bien que je l'informe, puisqu'elle allait en payer une partie, et que mes ambitions étaient sans cesse revues à la hausse (j'en étais à l'arrivée en calèche, au lacher de colombes et au quatuor à cordes). Ce fut la douche froide quand ma mère m'annonça avec solennité que je ne pourrais pas me marier en l'état à l'église, puisque je n'étais pas baptisée.

Ah putain. 

Tout ce temps, j'avais omis ce détail. Mes parents étaient partis du principe que la religion n'était pas quelque chose qu'on impose, mais quelque chose qu'on choisit. Ils ont donc décidé (bien que venant d'une famille de culture plutôt catholique) de ne pas me baptiser, pour que je puisse faire moi même un choix, en mon âme et conscience, quand le moment serait venu. Il était arrivé ce moment. Ma mère me dit donc que si je voulais me marier à l'église, il fallait que je sois catholique et baptisée, et que dès demain, elle m'inscrirait au catéchisme. Dont acte. Je me rendis donc guillerette à mes premiers cours de catéchisme. Et ce fut la révélation. La religion, du moins celle là, n'était pas faite pour moi. Elle ne répondait pas à mes questions. Sa philosophie ne me convenait pas. Je n'étais pas d'accord avec ce qu'on m'apprenait, et j'ai vite demandé à ma mère de ne plus m'y emmener. 

"Mais et pour ton mariage?" m'a-t-elle demandé.

Ah ouais, celui là, c'est vrai. Pour me consoler, elle m'a dit que certains prêtres acceptaient de marier des couples même quand l'un des conjoints n'était pas baptisé. Mon rêve de gamine était sauf, je l'ai donc laissé en l'état durant de longues années. 

Puis j'ai grandi. J'ai appris, j'ai lu, j'ai écouté. J'ai forgé ma personnalité. Et j'ai réalisé que la religion n'était pas pour moi. C'est évidemment quelque chose d'éminemment respectable, mais ça n'est pas pour moi. Je me suis découverte un profond et irrémédiable athéisme (même s'il ne faut pas dire "fontaine, je ne boirais pas de ton eau"). Et j'ai expérimenté la vie de couple, pour la première fois. Alors forcément, au bout de quelques mois de papouillages, la question du mariage a été remise sur le tapis. Le garçon m'a dit que son mariage serait à l'église. Je lui ai dit que je n'étais pas baptisée. Il m'a dit que c'était pas grave, que je pouvais le faire, juste pour le mariage, pour faire plaisir à sa famille plutôt tatillonne sur le sujet.

Hors de question. Il est absolument hors de question que je prête serment devant un type auquel je ne crois pas pour faire plaisir. Ce serait mentir dans un lieu ou par essence mentir est proscrit. Je suis athée, mais je respecte profondément les croyants. Et à ce titre, il est absolument hors de question que je me marie dans un lieu de culte en mentant comme un arracheur de dents. 

l'angoisse selon Almira, fig. 1


Restait la Mairie au pire. Mais là aussi, je me suis posé la question. Pourquoi faire? Et j'ai repensé à cet argument dont on nous rebat les oreilles depuis quelques jours: l'INSTITUTION. Le mariage est une institution. On sent bien le vocable bien lourd. C'est une responsabilité. Un engagement. C'est pas un truc pour rigoler. C'est un truc sérieux. Le mariage il était là bien avant toi, et il sera là bien après. Un bon gros bloc de pierre, impossible à secouer. C'est d'ailleurs le seul mode de conjugalité institutionnalisé.  Le mariage est l’acte public et solennel par lequel un homme et une femme s’engagent l’un envers l’autre dans la durée, devant et envers la société, pour fonder ensemble un foyer. Ouais... mais non. Plus je tournais et retournais la question dans ma tête, moins cette définition me convenait. 

Aujourd'hui, je sais. Je ne veux pas me marier. Je ne veux pas d'un engagement qui soit plus lourd que l'amour que je porte à mon conjoint. Je n'éprouve pas le besoin que la société reconnaisse mon union. Je n'ai pas envie d'entrer dans cette institution que je trouve poussiéreuse et inadaptée à ma conception du couple et de l'amour. Je ne suis pas certaine d'avoir cette volonté de me comporter comme une épouse. Et je n'ai pas plus envie que mon mec se comporte comme un mari. Probablement en partie parce que je sais que si mon amoureux et moi on en a un jour besoin ou envie, on pourra demander à monsieur le Maire de nous unir en nous jetant du riz au visage sans trop de difficultés. 

Aujourd'hui, je refuse donc l'institution du mariage. Mais c'est parce que j'ai le droit d'y entrer. De la même manière que je peux décider de ne pas vouloir d'enfants si tel est mon désir. Le droit, et non le devoir. Pour autant, je n'ai pas l'impression d'être une mauvaise citoyenne. Je m’acquitte de mes devoirs, même de ceux qui me font le plus suer. Une citoyenne lambda quoi.

En tant que citoyenne tout ce qu'il y a de plus normale (au sens hollandais du terme), je peux donc décider si oui ou non je peux bénéficier des droits que m'accordent notre république laïque. 

Après, il y a deux autres catégories de citoyens un peu moins normaux que moi. Les homosexuels, puisqu'ils ont moins de droits que moi (mais finalement autant de devoirs). Et les élus, qui ont plus de devoirs que moi (notamment et prioritairement celui de faire respecter et/ou appliquer toutes les lois de la république, où que soit leur conscience) et logiquement tout autant de droit (même si certains s'en accordent des supplémentaires)

 Encore une fois, la notion de "normalité" reste un concept qui aurait besoin d'un bon coup de propre. Et quitte à la nettoyer, autant en profiter pour filer un coup de dépoussiérage à toutes ses institutions discriminantes et d'un autre temps.
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4 commentaires:

  1. J'aime énormément ce que tu écris et la façon dont tu l'écris... Et je suis plus que d'accord avec toi, quand tu dis pouvoir refuser un droit justement parce que tu sais que tu pourrais en bénéficier. C'est ce que j'essaye d'expliquer en vain à certaines personnes depuis un bout de temps.
    En tout cas, je file lire tes autres billets! :)

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